Marie Legrand nous partage son projet éducatif en visioconférence. De son premier poste d’institutrice à son statut actuel d’auto-entrepreneur, le fil rouge de sa motivation a toujours été le partage. Dotée d’une envie sans faille et d’un sourire contagieux, la fondatrice de « Forts ensemble » a accepté de revenir sur son parcours et sur les enjeux actuels posés par l’Éducation.
Après six mois en tant qu’institutrice au début de sa carrière, Marie Legrand décide de retourner à l’université pour devenir Docteur en Sciences de l’Éducation. « Pour enseigner il faut se renouveler sans cesse » nous confie-t-elle, alors que son parcours reflète déjà ses convictions. Elle décide d’écrire sa thèse sur l’imagination comme élément essentiel de l’engagement chez l’apprenant. C’est ainsi que son premier projet voit le jour : la publication de son ouvrage Libérez l’imagination.
Marie Legrand, qui se sent plus armée et plus confiante, fait de ses heures en classe de véritables espaces de laboratoire.. Cette envie de faire toujours plus, toujours mieux, l’a poussé à développer de nouvelles pratiques pédagogiques. Parce que ce que le cadre scolaire ne lui suffisait pas, elle a décidé de mener ses propres initiatives. Son objectif ? La réussite de chaque apprenant, selon leur propre rythme d’apprentissage.
Une pédagogue à l’âme d’entrepreneur
Des idées, toujours plus d’idées. Tout au long de sa carrière d’enseignante, et tout au long du podcast disponible ici, Marie Legrand a développé une réflexion entrepreneuriale. Cette réflexion l’a mené à la création de sa propre société Forts ensemble, au sein de laquelle elle est aujourd’hui consultante et formatrice.
Ce lien si fort entre l’enseignant et l’état d’esprit entrepreneurial, que le Pivot développe dans son ouvrage Edupreneurial Pivot, a été prouvé lors des nombreuses actions menées par Marie Legrand. La plus récente ? Partager des vidéos hebdomadaires lors du confinement pour aider des parents démunis avec l’école à la maison. Élèves motivés, parents soulagés, Marie Legrand décrit comment entretenir cet écosystème. « Alors que les parents découvrent des choses sur leurs enfants, ils se redécouvrent aussi eux-mêmes. A la fin, ils vous remercient », indique Marie Legrand.
« Il y a des similarités évidentes entre l’enseignement et le coaching en entreprise », indique Marie Legrand qui, depuis qu’elle intervient dans le milieu entrepreneurial, trouve un point de convergence inévitable : les problèmes relationnels. « Finalement, on retrouve des points communs forts et on devine le parcours scolaire de celui qui, pendant son coaching, ne peut pas rester assis et doit être constamment en mouvement, ou de celui qui a les réponses et qui ne peut s’empêcher de prendre la parole. Aucune de ces caractéristiques n’est un problème, mais il faut les identifier et les prendre en compte. » L’école, cette institution qui nous relie tous, et qui peut faire jaillir en nous, les meilleurs souvenirs, comme les pires. Il y a, derrière chaque adulte, un élève.
Inspirée de son expérience en entreprise, Marie Legrand a eu l’idée de développer la méthode 4Colors® au sein de l’école. Elle décrit cette méthode comme une nouvelle réponse aux problématiques de la classe. Vous pouvez retrouver le développement de sa méthode en écoutant notre podcast.
Selon les caractéristiques comportementales liées aux 4 couleurs (rouge, jaune, vert et bleu), des modalités pédagogiques sont proposées aux élèves qui se répartissent en différents groupes. « Il ne s’agit pas de groupes organisés selon les capacités, car là encore, on ferait perdre confiance à l’apprenant, mais plutôt de groupes de personnalités qui permettent de respecter chaque individu selon ses préférences d’apprentissages », explique Marie Legrand. Après l’usage de cette méthode dans différentes classes pendant des années, elle co-écrit un second ouvrage : Apprendre en couleurs – Le guide pratique pour libérer l’apprentissage des élèves. Grâce à cela, elle propose quatre voies d’accès pour que chaque apprenant vise le sommet, mais à sa manière.
Avant même de goûter au milieu entrepreneurial, Marie Legrand multipliait déjà les propositions innovantes. Le changement, le partage, la réussite, trois éléments qui faisaient d’elle une leader. Si on le comprend au fil de cette lecture, cet aspect est aussi percutant dans le podcast de notre entrevue avec Marie Legrand.
Comment trouver des solutions simplement et rapidement au sein de l’école ? Marie Legrand crée alors le Tea Time, une heure durant laquelle les enseignants volontaires, viennent après les cours échanger, autour d’un thé et de gourmandises, sur des thèmes ciblés. « Les thèmes variaient à chaque fois, par exemple la classe inversée, l’attention, et à chaque fois il y avait du monde ».
Cette initiative révèle ce que le Pivot a théorisé pour tous les esprits édupreneuriaux : l’enseignant gagne à être mis au cœur du processus. Dès lors qu’on lui donne une place, et une opportunité de changer les choses, il devient actif. L’essentiel, c’est d’être en mouvement, même avec des petits pas – un petit pas pour l’enseignant, un grand pas pour l’école ? – Durant ce Tea Time, Marie Legrand cherche à interpeller ses collègues, à leur faire prendre conscience qu’ils peuvent changer les choses grâce à des outils simples et rapides. » Le projet Tea Time est un moyen efficace de trouver des solutions simples, rapides et qui ne coûtent rien. On parle souvent du budget, mais le budget ce n’est pas toujours le problème », ajoute-t-elle.
En tant que professionnelle hybride (mi pédagogue- mi entrepreneur), Marie Legrand refuse l’échec. Disposant d’un instinct certain pour la recherche de solutions, elle précise ne pas donner LA solution, mais arrive tout de même à rassembler les gens (parents, élèves, enseignants, entrepreneurs) autour d’initiatives simples et réalisables. « Il n’y a pas de place pour l’échec en entreprise et je voudrais que ce soit pareil à l’école. J’ai toujours refusé de voir un de mes élèves échouer ». Pour éviter l’échec, Marie Legrand a choisi de miser sur les parents, les oubliés de l’école.
Parents-enseignants : Vers un vrai partenariat
Les parents sont démunis, tel est le constat de Marie Legrand. Alors qu’enseignants et parents ont toujours entretenu une relation en dents de scie, Marie Legrand a souhaité intégrer les parents au cœur de ses initiatives afin de créer un véritable partenariat. « Les enseignants et les parents ne doivent plus rester chacun de leur côté », indique-t-elle. Les échanges, aussi rares soient-ils, sont souvent portés sur le négatif : notes, problèmes de comportement ou de résultats, incompréhension etc. Grâce à ses vidéos Facebook et à ses coachings, Marie Legrand a souhaité réconcilier ces deux partis essentiels à la réussite scolaire de l’enfant, afin que leurs échanges deviennent un partage basé sur le positif.
Marie Legrand est convaincue que le savoir-faire de l’enseignant doit être partagé et que l’enfant doit être au cœur de ce partenariat entre parents et enseignants. De ce fait, le parent devient un véritable acteur et obtient un rôle essentiel dans la scolarité de son enfant, alors qu’il n’était, jusqu’ici, que le récepteur passif de feedbacks et de remarques.
Donner aux parents le rôle d’alliés, c’est aussi leur donner les clés nécessaires pour comprendre. Marie Legrand évoque l’exemple d’une élève qui ne parvenait pas à faire ses devoirs. La mère décrivait le cauchemar quotidien dès le retour de l’école. Une mère qui imposait à sa fille un cadre strict et formel pour faire ses devoirs. Face à elle : une enfant déconcentrée qui se trouvait dans l’impossibilité de travailler dans ce cadre imposé et qui ressentait un besoin de se sentir libre et de pouvoir se déplacer. Marie Legrand a donné à la mère, les moyens de comprendre sa fille et de répondre à ses besoins d’apprentissage, en acceptant d’accorder à sa fille, cette liberté de mouvement » Je dois avouer que de voir ma fille faire ses devoirs à des endroits différents, toujours en mouvement, était quelque peu dérangeant pour moi. Mais au final, ses devoirs étaient faits ». A travers ce procédé -celui de comprendre l’enfant- il y a un enjeu d’acceptation et de confiance. Cette anecdote, que pouvez retrouver en écoutant notre podcast, amène à la finalité suivante : avoir confiance dans le résultat, même si les moyens d’y arriver peuvent être différents ou sortir de l’ordinaire.
Redonner confiance, c’est un élément qui est revenu souvent lors de notre échange avec Marie Legrand. Redonner confiance à des élèves qui ont été stigmatisés à cause de leurs difficultés mais dont les préférences d’apprentissages n’avaient pas été prises en compte jusqu’ici. Redonner confiance à des parents, qui eux même se sentent démunis de par leur passé scolaire, leurs lacunes relationnelles avec leurs enfants et le manque d’échange avec l’enseignant. Redonner confiance à des enseignants, qui, à cause d’un système en souffrance, ne voient pas les moyens qui sont à leur disposition pour devenir acteur du changement.
Pour donner vie à toutes ses idées, cette pédagogue a choisi de compléter l’idée fondamentale de l’école avec quelque chose en plus, avec un partenariat. Son projet, basé sur le triangle relationnel parents-enfants-enseignants, vise à défaire des nœuds afin que, sur le chemin de la réussite, personne ne soit laissé au bord de la route.
L’école a besoin de se réinventer. Pour répondre à ce besoin, Marie Legrand explique que l’école doit s’ouvrir davantage et que les enseignants doivent amener ce qui se passe en classe vers l’extérieur. Pour que chacun apporte à l’autre, Marie Legrand fait entrer l’Etat d’esprit entrepreneurial en classe, et partage l’école en dehors de la classe.
Pour aller plus loin, cette dernière souhaite proposer une formation à distance pour enfants et parents.
Notre entretien Zoom se termine sur une note prometteuse et pleine d’espoir, car Marie Legrand est convaincue que « la réussite de chacun n’est pas facile mais qu’elle est possible. »