Comment enseigner l’Intelligence Artificielle ?

La réponse à cette question m’a été donnée à Genève, le 31 juillet 2020

A l’invitation de Laura, la directrice de la fondation impactIA, je me rends un camp dont le titre a des allures de Star Wars : Robotique et Intelligence Artificielle.

Je ne connais pas bien le quartier de Genève où je dois me rendre. Un regard un peu distrait sur Google Maps m’a permis de voir que le camp se déroule du côté de Châtelaine. Je sais que la Haute-École d’Art et de Design (HEAD) y a ouvert en 2017 un campus réputé très réussi architecturalement. Le camp a peut-être lieu là. Je m’attends un peu à déambuler dans les couloirs immaculés de l’Etoile Noire. 

Mon GPS me fait dépasser Châtelaine et me conduit un peu plus loin. Je découvre, dans les espaces verts du jardin Robinson à Vernier, une cabane aux allures de camp de l’Alliance rebelle. 

Au moment où j’entre dans la cabane, la présence de l’esprit Makerspace se confirme.

Les participants du camp, des enfants âgés de 9 à 13 ans, sont occupés à la programmation de petits robots devant des écrans. Enfin, certains enfants. D’autres vont et viennent autour des tables qui forment un îlot. Ils semblent à la recherche de distractions, mais en réalité, c’est leur façon de se concentrer sur leurs tâches. Dans l’esprit d’apprentissage par les pairs qui prévaut à ce moment de la journée, ils apprennent en échangeant directement avec les participants les plus avancés. 

En m’approchant, je vois que John, le spécialiste AI du camp, veille à ce que tous les binômes de participants trouvent les solutions nécessaires à l’avancement de leurs projets. Un des participants me fait une démonstration du Raspberry Pi à partir duquel il programme son robot, dont le but est de reproduire le mouvement de l’écriture.

La robotique, ce n’est pas obligatoirement de l’intelligence artificielle.

Je mène mon enquête auprès des créateurs du camp, et peu à peu, je découvre l’originalité et la richesse du concept RAIE – Robotic Artificial Intelligence Education.

Schématiquement, les activités sont organisées autour des trois pôles qui rythment les cinq journées du camp :

  • Discussions sur les enjeux éthiques de l’Intelligence Artificielle
  • Contact direct avec l’Intelligence Artificielle au travers d’activités ludiques élaborées à partir de la plateforme Machine Learning for Kids
  • Développement d’un projet personnel associant la programmation d’un robot scripteur avec le langage Scratch opéré à partir d’ordinateurs Raspberry Pi

Des mises en train ludiques et des pauses au goût de pastèque assurent que le camp conserve une ambiance de vacances et de détente.

Laura me présente l’équipe du camp. Olivier est le coordinateur des camps, véritable géotrouvetou, il a une solution à tout : il a conçu les activités non-IA et assure le bon fonctionnement des équipements. Audrey anime les discussions sur les questions éthiques. Obada appuie John pour le travail sur la programmation. Owen s’occupe de faciliter le travail des groupes.

La mise en oeuvre d’un camp RAIE implique d’explorer des façons d’enseigner inédites.

Olivier a utilisé une imprimante 3D pour construire certaines des pièces des robots. Audrey a dû faire évoluer les discussions pour les relier plus nettement aux ateliers qui mettent les enfants en contact avec l’Intelligence Artificielle. Les programmeurs ont décidé de jongler entre les Macs prévus initialement et les Raspberry Pi, qui permettront aux enfants de prendre leurs robots avec eux, et de continuer la programmation dans les cours de la Master of AI Academy (MAIA).

La fondation impactIA à en effet décidé de mettre en place un programme évolutif sur l’année, 1 fois par mois les mercredis après-midi en visio conférence pour les 10 -18 ans, avec une partie d’apprentissage par les pairs.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les ressources nécessaires à l’enseignement de l’Intelligence Artificielle sont relativement faciles à trouver.  Les logiciels nécessaires sont gratuits et ils tournent sur des ordinateurs classiques. Les pièces requises pour la création des robots peuvent être imprimées en 3D, si on ne les trouve pas dans le commerce. 

Le vrai défi réside dans l’exploration constante des solutions à trouver sur la base des feedback générés par la mise en place de l’enseignement de quelque chose qui n’est pas encore enseigné.

La dimension spécifique de la démarche RAIE exige de structurer les espaces et les activités avec les mêmes compétences que celles que vont développer les enfants et qui couvrent tout le spectre des 21st Century Skills (6C’s de Michael Fullan) : créativité, réflexion critique, collaboration, communication, caractère, citoyenneté.

Au final, l’invention de l’enseignement de l’AI demande avant tout un Etat d’esprit édupreneurial.

Questions et renseignement complémentaires : www.impactia.org

PRESENTATION DE L’EQUIPE RESPONSABLE DU CAMP

Olivier

Olivier est le coordinateur des camps, véritable géotrouvetou, il a une solution à tout et  et conçoit le fil rouge de la semaine. Il est le spécialiste des aspects techniques non-IA : impression 3D, électronique.

Jonathan

Jon est le spécialiste IA de l’équipe. Artiste, co-créateur de DAI (Robot danseur muni d’une intelligence artificielle, « né-e » en 2017, il forme avec Olivier ces duos de rêve qui allient invention, créativité, pragmatisme et qui sont capables de passer de l’idée magique à la réalisation concrète en des concepts accessibles.

Audrey

Audrey est sociologue, elle a plongé dans l’IA par la fenêtre de la diversité. Elle vient de reprendre le chemin des études pour en faire un doctorat. Son rôle dans l’équipe est d’amener la réflexion autour de l’IA, ses enjeux et ses défis par des activités de jeux

Arnaud

Arnaud intervient dans le camp spécifiquement sur les aspects sécuritaire. Hacker depuis ses 13 ans, « Séraphin » donne les clés aux kids pour nager dans les océans numériques et leur permettre d’y naviguer avec plus de sécurité

Obada, Owen, Leo

Stagiaires de la fondation, ils développent leurs compétences et les mettent en pratique dans les camps en assistant l’équipe, expliquant des concepts, interagissant avec les kids ou devant trouver des solutions aux problèmes survenant chaque minute ; de quoi développer leur posture édupreneurial et entrepreneurial.

MESSAGE D’IMPACT IA SUR L’EDUCATION

Préparer les nouvelles générations aux défis de l’intelligence artificielle éthique, robuste et légale.

Le monde change, et ces changements entraînent des défis importants pour l’humanité. L’intelligence artificielle est, avec le changement climatique, l’un des deux grands défis sociétaux auxquels nous sommes confrontés.

Cette technologie, qui constitue déjà en soi un énorme bouleversement, a vu sa temporalité encore accélérée par la crise de Covid.

En une semaine, le monde entier s’est arrêté et a dû passer à une numérisation forcée et parfois peu maîtrisée.

Les écoles et le domaine large de la formation ont été fortement touchées par ce bouleversement. Certains enseignants et formateurs ont fait d’un « e-learning d’urgence » un pivot, selon leurs propres termes, « fonctionnel, mais pas satisfaisant », tandis qu’une autre partie s’est littéralement laissée submerger par le changement et est restée impuissante face aux nouvelles compétences qu’il exigeait.

Si cela soulève de grandes questions sur le système d’éducation et de formation, nous ne devons pas oublier de regarder du côté des élèves et des apprentissages que cela nous a révélés et qui seront dans les mois à venir de plus en plus éducatifs.

  1. Perméabilité aux nouvelles technologies

Le premier élément est la perméabilité des jeunes aux nouvelles technologies s’ils sont bien accompagnés. Il était incroyable de voir comment, en quelques jours seulement, une partie de notre future société active, à savoir les jeunes, ont pu passer aux nouveaux outils numériques. Lorsqu’ils étaient bien accompagnés, de grandes choses en sont sorties. Quand ce n’était pas le cas, nous pouvions encore voir que, quel que soit l’âge, les enfants étaient rapidement capables de jongler avec les différentes plateformes et les nouvelles façons de faire les choses.

  1. Nouvelles compétences

Le seconde élément qui émerge est que de nouvelles compétences doivent être stimulées pour relever les défis à venir. La curiosité, la créativité, la capacité à travailler de manière complémentaire, à s’attaquer à un problème en dehors des silos connus, la culture numérique, ont déjà été mis en avant en 2018 par le WEF comme de nouvelles compétences nécessaires dans le monde de demain. Les nouvelles générations doivent pouvoir les développer dès que possible.

  1. Disparité

Le troisième élément et non des moindre, est l’énorme disparité et iniquité que cela a engendré. Si les enfants avaient du matériel comme des tablettes ou des ordinateurs à la maison, ils sont montés plus facilement dans le train. Les enseignants et/ou les parents qui sont habitués à la technologie numérique ou qui s’y sont mis en cherchant des solutions ont eu une influence directe sur le niveau et la qualité de l’acquisition des jeunes.

Un enfant qui est accompagné dans les nouvelles technologies acquiert avec une plasticité à couper le souffle de nouvelles compétences qui lui permettent de faire face à l’incertitude. S’il ne fait pas partie des « chanceux » et/ou que sa curiosité n’a pas été ou pas pu être stimulée , un fossé se creuse qui s’élargira au fil du temps.

Ce que nous voulons

Nous voulons, sous la forme de camps d’une semaine, aider les jeunes à apprendre, de manière ludique, les nouvelles technologies qu’offrent l’IA et la robotique, avec les défis éthiques, sécuritaires et juridiques que ces technologies nous apportent.

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